12h30, dans une petite ville de province. Dans le supermarché, les coups de feu retentissent. Il y a celui qui l'a croisé, celle qui était dedans, la caissière, celle qui le connaissait, celui qui a tout perdu, sa mère qui ne comprend pas, et il y a lui, le tueur.
Le récit à plusieurs voix d’un passage à l’acte tragique, un vrai sens du parler, une écriture faite pour l’acteur, et le portrait saisissant d’une société à l’avenir bouché.
extrait :
LUI.
LUI, LE TUEUR, 27/28ANS : (Il porte un sweat à capuche noire, capuche sur la tête. De dos avec une très faible lumière)
- Je ne peux rien vous dire.
Il ne se passe rien dans ma tête.
J’avance. J’avance c’est tout.
Je ne suis pas triste. Je ne suis pas joyeux. Je ne pense à rien.
J’aimerais juste que tout s’arrête….
EUX.
LE COIFFEUR : - Moi c’est Edouard, et euh… Avant j’étais le mec, qui filais des coups de mains, le bon gars, tu vois ! T’avais un problème avec ton ordi, bah tu m’appelais ! Un robinet qui fuyait ? Je te changeais le joint ! Du bois à couper, un peu de jardinage, poser un enduit ? J’arrivais !...
C’était comme ça ! Je pouvais pas vraiment dire pourquoi ! On disait que j’étais un mec bien ! Je pouvais même te couper les cheveux… c’était mon métier ! Enfin c’est toujours mon métier ! Je travaille toujours avec Daniel, au coupe tif’s ça s’appelle, vers la rue des Postes ! A côté de chez Flore la fleuriste, tu vois ? Bref !
Je suis coiffeur parce que, j’ai l’impression d’être au-dessus des pensées des gens ! C’est comme si tu vois, si je te coupe les cheveux, je te remets les idées en place ! … Bon, c’est un peu con, parce que t’as beau te couper les cheveux, t’auras toujours des soucis ! Et y en a, avec ou sans cheveux, ils sont cons, ils sont cons ! Daniel y dit un truc, euh : « Les cheveux en pagaille, les soucis sont là ! Une coupe chez le coiffeur, les saucissons secs ! »
(Il sourit)
Il a de l’humour Daniel !
Ah je l’aime bien, c’est pas un méchant.
Dans le salon on s’envoie toujours des vannes, on n’arrête pas, même avec les clients, tu vois. Ca fait qu’y a une bonne humeur. Les gens ils se marrent avec nous ! Après ça veut pas dire qu’on travaille pas, attention ! Mais c’est cool !
Le matin… Des événements, enfin de l’accident, l’incident peut-être, je sais pas comment tu dis… ? Le matin, bah j’étais au salon. Le mardi matin y a jamais vraiment foule. Je me souviens que Daniel y faisait une permanente, à Madame Duval, c’est une de mes voisines, elle est un peu avant le virage, sur la route des Bordes, tu vois ? Enfin voilà, il était pas loin de midi, tout était niquel, du coup, je suis allez prendre ma pause. On s’arrange avec Daniel.
Par contre y a eu un truc bizarre, je mettais mon manteau et je lui ai dit que j’allais manger un bout, et il m’a répondu :
DANIEL :
- Fais gaffe à toi !
J’ai pas compris ! Enfin si j’ai compris ce qu’il m’avait dit, mais j’ai pas compris pourquoi y me disait ça, tu vois ! C’est dingue hein !? Dés fois t’as des trucs comme ça, des espèces d’intuitions ! D’habitude y me dit rien hein ! Et là, il a dû sentir un truc !
DANIEL :
- Fais gaffe à toi !
(...)