A Mur-de-Barrez sur le plateau de l’Aubrac, est libéré un virus mortel. Bientôt doté d’un corps et d’une voix, le virus entreprend la conquête du monde, tuant, contaminant ou tout simplement rencontrant une foule de personnages : un maire et un curé pédophiles, une vieille bourgeoise philosophe adepte de la métempsychose, le président Ceaucescu, des banquiers, d’anciens nazis, et la démocratie malade allongée dans le caniveau…
Une épopée inclassable, violente et déjantée, servie par une écriture incisive, drôle et lyrique : ce virus à tendance anarchiste bouscule nos tares, illustrant selon les termes de l’auteur « la violence des sociétés contemporaines dépolitisées ».
extrait :
4. Le virus mute.
La vieille bourgeoise philosophe. Nous assistons à une augmentation croissante des contagions inter- spéciques. C’est- à- dire entre les espèces, entre les Hommes et les animaux. C’est le signe d’un temps dégénéré. La zoophilie prospère sur internet. La zoophilie c’est un viol. Vous voyez ce tigre, là-bas ? Il a été contaminé par le virus BZ89, le virus de l’Abbé Morel et de Ceaucescu. Cette pièce est peuplée de fantômes effrayants, l’auteur y a convoqué un dictateur paranoïaque, un curé pédophile, et un sérial killer incontrôlable. Sans parler du virus qui est en train de muter, c’est horrible.
Moi. On dit que vous aimez les femmes.
La vieille bourgeoise philosophe. C’est faux. J’aime seulement les animaux.
Moi. Je crois que j’ai contracté le virus. Il est en train de muter dans mon organisme. J’ai de la température.
La vieille bourgeoise philosophe. Ne m’approchez pas ! Allongez- vous là, sur ce tapis. Oui par terre, ne souillez pas mon beau canapé de la Maison du convertible. Voilà. Ne respirez plus. Ne parlez plus. Ne clignez plus. Mettez ce masque.
Moi. Si j’éternue, vous êtes morte.
La vieille bourgeoise philosophe. Ne faites pas ça !
J’éternue. La vieille bourgeoise philosophe meurt asphyxiée.
Moi. (dictaphone). Cette fois c’est la fin. J’ai la gorge en feu. Le virus est vraiment très puissant. Il est en train de muter. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais en tout cas je crois que je vais survivre. Le virus s’est installé en moi comme un parasite. Ce n’est plus moi qui parle, c’est le virus à travers moi. Je suis le virus ! C’est le virus qui tue, ce n’est pas moi, c’est lui qui a toujours tué à ma place. Il a trouvé mon corps et il s’est installé dedans, bien au chaud, comme dans une chambre froide, pour prospérer et dégénérer à sa guise. Maintenant je suis en train de muter. Si nous étions au cinéma vous auriez très très peur. Comme dans le film La Mouche, ma main aurait la forme d’une patte de mouche. C’est effrayant. C’est mal fait, mais c’est effrayant. Absolument. Je vais sortir de cet appartement et me répandre dans la rue. Comme un virus en somme.
5. Le putsch.
Le président. Mes chers compatriotes, il est huit heures moins le quart, normalement c’est bientôt le journal, et pourtant c’est moi qui vous parle. La situation est alarmante, le virus a pris le pouvoir, c’est un putsch. Je vous parle sous la contrainte. Ne paniquez pas, de toute façon tout est foutu. Je dois à présent vous lire une déclaration du virus nouveau président : « Mes chers compatriotes, je vous annonce qu’à partir de dorénavant, tous les hommes politiques sont mis au chômage, ils n’avaient qu’à pas gagner autant d’argent. Les privilèges sont abolis. La peine de mort est rétablie pour l’Abbé Morel. Ceaucescu est nommé ministre de la culture et de la communication. Vive la démocratie ! Je vous embrasse tous. Signé : BZ89 ». Je rends l’antenne. A vous Boulogne.
6. Mur-de-Barrez la nuit
Moi (le virus). (Dictaphone) A Mur- de- Barrez, la nuit, l’hiver, la température peut descendre à plus de dix degré au- dessous de zéro. Faut-il préciser quelles précautions ont été prises par la municipalité pour protéger ses habitants du virus ? La nouvelle de mon arrivée en ville s’est répandue comme une traînée. C’est- à- dire comme une pute. Le maire est pharmacien, il a vendu des vaccins à tous ses concitoyens. Mais depuis j’ai muté et le vaccin est inopérant. Le maire le sait, il erre anxieux dans les rues en quête d’une solution pour sa réélection.
Le maire. Monsieur je vous demanderai de bien vouloir appliquer ce masque de papier sur votre bouche et revêtir cette combinaison en néoprène stérile que je vends dans ma pharmacie.
Moi (le virus). C’est remboursé ?
Le maire. Evidemment.
Je le menace avec un pistolet.
Moi (le virus). Je mets ta combinaison et toi tu te mets tout nu.
Le maire. Mais enfin vous n’y pensez pas ?! Il fait moins 15 !
Moi (le virus). Je compte jusqu’à 3. 1…2…
Le maire. Ok, ok arrêtez tout, je m’exécute. Mais vous le regretterez. Je suis le maire de cette ville !
Moi (le virus). Enchanté. BZ89.
Le maire se déshabille sous la menace.
Moi (le virus). Et pendant 40 ans, vous n’avez jamais rien pu faire ?
Le maire. Je vous demande pardon ?
Moi (le virus). Je dis : pendant 40 ans, vous n’avez rien pu faire ? En même temps, je comprends votre complicité : vous avez un tout petit sexe…
Le maire. C’est le froid.
Moi (le virus). …ça rentre plus facilement dans la bouche d’un enfant.
Le maire. Vous êtes ignoble.
Moi (le virus). Merci. J’ai muté, et c’est vrai que depuis je me sens mieux.