Les chiennes de Mathilde Souchaud

Quatre femmes, de milieux et de pays différents, victimes de violences patriarcales, se transforment en chiennes. Elles lancent un dog challenge sur le net qui devient viral. La révolte est mondiale.

Une écriture performative radicale faisant feu de tout bois pour raconter la réappropriation de la violence par les femmes. Une fable d’anticipation partant d’une situation de domination on peut plus contemporaine.


Extrait


EN FINESSE

LAURÈNE dans son jacuzzi. Nue. Les yeux fermés, une bouteille vide et un verre de whisky sur le rebord, elle est un peu ivre. TISSA plonge une boule de bain moussant dans le jacuzzi. Entrée : PIERRE-PAUL, une boîte enrubannée dans les mains. Dès qu’il entre, TISSA se redresse et sort rapidement. Quand elle passe à sa hauteur il lui chuchote des paroles inaudibles. Puis, il s'approche de sa femme, s'assoit sur le rebord et plonge sa main dans le jacuzzi. LAURÈNE sursaute.

LAURÈNE. Tu aurais pu frapper.

En le voyant son humeur change instantanément. Sourire sur les dents.

PIERRE-PAUL. Je n'aurais pas pu admirer le chef d'œuvre.

Il lui caresse le visage et la poitrine.

LAURÈNE. J'avais demandé à Tissa qu'on me laisse me reposer.

PIERE-PAUL. Elle n'est pas très obéissante. Il faudrait la fouetter un peu.

Il rit. LAURÈNE plonge la tête sous l'eau. Quand elle émerge, le paquet enrubanné est posé à sa portée, sur le rebord du jacuzzi. Elle l'ouvre. À l'intérieur un collier ras-le-cou avec une grosse pierre précieuse au centre. Une fortune.

LAURÈNE. C’est celui du défilé ?

Il acquiesce. Elle pousse un petit cri d’excitation.

PIERRE-PAUL. Tu l'essayes pour moi ma sirène ?

LAURÈNE dégage sa nuque et se tourne vers PIERRE-PAUL. Il glisse le collier autour de son cou. Serre un peu trop fort.

LAURÈNE. C'est trop !

PIERRE-PAUL. Ça n’est rien du tout ! Tu as été bien sage. Il la dévore des yeux. Tu es tellement belle ! Les femmes de ton âge ne t'arrivent pas à la cheville.

LAURÈNE. Tu te demandes parfois ce qu’on fait ?

PIERRE-PAUL. Comment ça ?

LAURÈNE. Notre rôle dans. Dans tout ça.

PIERRE-PAUL. Je connais mon rôle : te faire plaisir. Faire de toi la femme la plus gâtée du monde. Elle glousse. Baiser langoureux. Sublime.

TISSA entre, un sac poubelle à la main. En les voyant enlacés, elle s'arrête net et veut faire demi-tour.

LAURÈNE. Restez Tissa ! Vous ne vous êtes toujours pas changée ?

TISSA. Monsieur a dit.

PIERRE-PAUL. Qu'en pensez-vous ? Il montre le collier. TISSA ne répond pas. Il s’approche, saisit TISSA par la taille et lui parle à l’oreille. Libidineux. Ça ne vous plairait un beau collier comme ça ? A Laurène. Lève-toi mon trésor. Montre-lui comment on porte un bijou de créateur. LAURÈNE, très théâtrale se lève, nue. Voilà : comme une déesse. LAURÈNE tourne sur elle-même en une danse lascive. Il n’y a pas à dire ça donne du chien. Hein Tissa ? Du chien ! Quand LAURÈNE a le dos tourné, il lèche furtivement la joue de TISSA. TISSA reste immobile. A Laurène. Tu me dis merci ma poupée ? Il s’approche et embrasse LAURÈNE avec fougue. Sa langue loin dans sa bouche. A Tissa. Pour avoir des diamants il faut être très obéissante. Il n’y a que les gentilles filles qui ont des cadeaux. Il ricane. TISSA reste de marbre.

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