La galaxie d’Andromède se dirige vers la Terre. La quasi-totalité de l’humanité est convaincue que sa fin est proche et vit dans la torpeur et la résignation. C’est dans cette société qu’ont grandi Manon et Jo. Si Jo lutte pour ne pas se laisser gagner par le défaitisme, Manon a depuis longtemps choisi de résister et de croire qu’un autre monde est possible.
Un polar d’anticipation racontant le parcours d’émancipation de deux adolescentes refusant la catastrophe. Un univers fort. Un récit prenant.
Extrait :
(…)
MANON : J’ai traversé la ville, j’ai longé le fleuve et après le pont je suis montée sur l’esplanade déserte. A cet endroit le revêtement du sol est particulièrement éblouissant et il m’a fait mal aux yeux. Je ne sais pas si c’est le fait que la lumière solaire soit de plus en plus forte, lentement, progressivement, mais malheureusement pas imperceptiblement ou si l’éclat de ce parvis a toujours existé mais est seulement révélé par l’absence de file d’attente pour entrer. Les musées sont en accès libre depuis quatre ans. Libre et gratuit. Il n’y a plus aucun intérêt à faire payer pour voir des Cézanne ou des Manet. Que ceux qui veulent les voir les voient, a déclaré la ministre de la Culture. Et je suis entrée dans le musée. Il n’y avait personne.
JO : Que ceux qui n’y vont pas tous les jours soient maudits, a déclaré Manon.
MANON : Viens avec moi des fois.
JO : Manon…
T’as mis tes lunettes un peu pendant ta balade au moins ?
MANON : Ok je m’en vais.
JO : Promets que tu vas les mettre !
MANON : T’as des trucs pour moi ?
JO : Dans le sac.
Manon prend le sac.
MANON : Bye je vais écouter le flash dehors.
Je sors. Je mets pas mes lunettes. Jo dit que je me bousille les yeux. Elle ne quitte plus ses lunettes dès qu’elle sort, peu importe l’heure et le lieu. Elle a toujours l’air d’une rockstar ou d’être en deuil.
Je sors de la belle maison de Jo, je vais au bout de l’avenue et je traverse le pont au-dessus de la ligne de train. Après c’est le bois qui commence. Dans une des allées, le refuge pour animaux et ma maison et plus loin le foyer de l’Enfance.
La première fois que j’ai dit ça à Jo elle était scandalisée.
JO : Ils ont mis les enfants abandonnés et les animaux abandonnés au même endroit ?
MANON : Bah oui, c’est dans le bois, c’est vert, au printemps c’est
JO : C’est affreux.
MANON : Je sais pas, je crois pas, les enfants aiment bien venir voir les animaux et moi je vais souvent les voir avec.
Je me retourne une fois vers chez Jo et je vois Adhil et Saffar, les deux planètes de la galaxie d’Andromède les plus proches de nous. Deux planètes presque l’une derrière l’autre, bleutées à cette heure-ci. Elles n’obscurcissent pas le ciel parce que la lumière solaire est tellement forte maintenant.
Il va être quinze heures, je regarde autour de moi pour voir où je vais écouter le flash.
JO : Tout le monde écoute ce foutu bulletin, il est diffusé dans les magasins, les cafés, et Manon adore rentrer dans n’importe quel bar miteux ou loge de gardiens d’immeubles juste pour écouter.
Manon c’est pas sérieux d’entrer n’importe où.
MANON : Et au pire quoi ?
-
J’entre dans le café pourri de l’autre côté du pont je me plante devant l’écran géant. Un type sur un tabouret de bar marmonne un truc en me regardant mais le barman lui dit de la fermer.
LA MERE DE JO, sur l’écran : Flash du jeudi 22 novembre.
MANON : Ça commence.
JO : J’entends pas la date. Le jour, le mois n’évoquent rien. Les jours et les semaines ne passent pas, je ne me souviens de rien de marquant, le temps est une sorte de brouillard immobile.
(…)