Le quotidien des habitant.es du bois de la Fermette se trouve bouleversé lorsque les services de la mairie annoncent vouloir y implanter un parc photovoltaïque. La Forêt devient alors tour à tour un terrain de dissensions et d’émulations politiques, le symbole de notre force et de notre fragilité, durablement menacé par l’urgence climatique.
Un théâtre généreux qui ose tous les registres, comique, tragique, poétique, musical, reflet de notre humanité et de notre lien avec la nature, mixte et entremêlé.
Extrait :
3 H
EFFONDREMENTS
FRED.E On est à plus de 10 000 partages. Ca va être incroyable. Ma musaraigne aquatique ! Ce qu’on a fait. C’est fou. Ma Mu-sa-reine Aquatique !
SELMA Fred.e.
FRED.E Quoi ?
SELMA : Pour tout à l’heure. Tu n’as pas peur ? J’ai peur !
FRED.E : Si j’ai peur ? Mais je crois que j’ai attendu ce moment toute ma vie. Au coeur de la nuit, grimper en haut du chêne le plus vieux. Nous accrocher à la plateforme construite par les gars de la scierie. Et rester perché.e là-haut avec toi, complètement perché.e là-haut comme des oiselles sauvages et qu’importe ce qu’ils vont déployer pour nous déraciner sur place. On restera encordées-là tu comprends Selma. Jusqu’au bout. Et malgré la peur, on sera enfin debout face à eux. Au-dessus d’eux-mêmes. Et qu’ils osent seulement lever les yeux pour comprendre jusqu’où nous mènera la Colère !
SELMA Et nous ? C’est quoi nous là dedans ?
FRED.E : Mais nous, on va juste exister, mon faucheux minuscule, on aura tout le temps enfin pour nous deux, rien que pour nous deux ! On sera enfin autonomes !
SELMA : Mais Fred.e. Je ne sais pas ce que tu te racontes. Toujours tes histoires d’autonomie. Je comprends pas cette histoire d’autonomie. C’est affreux ce mot. Auto Nomos ça vient du grec et ça veut dire se faire seule ses propres lois. C’est ton truc alors, c’est ça ? Tu sais ce que ça veut dire un endroit qui devient ça, un lieu où tout le monde fait ses propres lois ? Tu as envie de savoir à quoi ça ressemble ? Tu n’as aucune idée d’à quoi ça ressemble. Moi j’ai dormi dans tant d’autres villes et crois-moi, il y a des moments où l’autonomie si on ne se relie à rien, ça devient soit de la survie chacun pour soi, soit le pire des fascismes.
FRED.E : Et tu fais quoi de la solitude ?
SELMA : Mais Fred.e, la solitude dans les écosystèmes ça ne marche pas ! Je crois profondément en l’inter-dépendance des êtres. Et j’ai besoin de te dire ça et tant pis si trouves ça mou, convenu, guimauve. De te dire que je veux venir avec toi demain parce il y a la Colère bien-sûr mais surtout, c’est que même si mes bras ne sont pas aussi solides que les tiens, Mon amour ce qu’ils peuvent pour toi mes bras, tu peux pas le mesurer. La force de ce que je ressens en moi et qui éclate quand je dis ton nom, tu ne peux pas l’imaginer. Et les envies de futur qui se dessinent quand je regarde ta peau, quand je sens ton ventre sous mes mains et qui me donnent mais tellement envie de vivre ! Et tu peux pas savoir à quel point avant de te rencontrer je ne croyais plus en rien, plus en personne, à quel point cette idée-là, le futur, elle me faisait mais exploser de rire. Il y a un mot en arabe qui veut dire je suis effondrée et je crois que c’est le mot que j’employais le plus au monde « Enhyar », effondrement.
Alors écoute la puissance de ce qui monte en nous et qui nous rend vulnérables et je sais que tu l’es sous tes airs de fausse dure, et je t’aime encore plus parce que tu l’es. Parce que demain, quand il faudra affronter le jour pour le rendre plus grand, je serai avec toi.
FRED.E : Selma. Tu es la plus belle personne que j’ai jamais rencontrée. Te connaitre c’est une révolution.
(…)