Des cartographes sont envoyés aux confins du monde par une famille royale despotique, pour relever le tracé de territoires à placer sous contrôle. Les populations ne comprennent pas la nécessité d’être recensées. Ainsi que leurs terres. Les cartes sont-elles l’instrument du pouvoir ? Peu à peu la révolte gronde...
Une fable chorale et poétique hors du temps, écrite à la manière des manuscrits enluminés, pour raconter l’éternelle instrumentalisation des peuples et notre soif de liberté.
Extrait :
1. Le seul endroit libre
Cartographe 1 – C’était le seul endroit libre
Vide
Habitant·e 1 – Non
Ce n’est pas un endroit vide
C’est un champ
Cartographe 1 – Nous allons repartir au plus vite
Cartographe 2 – Nous avons beaucoup de questions à vous poser
Nous resterons ici le temps nécessaire à notre mission
Habitant·e 1 – Vous comprenez quand on vous parle ?
C’est un champ que nous avons semé, mes oncles et moi
Habitant·e 2 – C’est mon champ
Cartographe 3 – Nous sommes ici pour vérifier ce genre d’affirmations
Habitant·e 2 – Mais c’est mon champ
Cartographe 3 – Nous verrons
Cartographe 2 – Considérons que c’est le champ de tes seigneurs et maîtres
Habitant·e 2 – Pardon ?
Cartographe 1 – On nous a demandé de nous arrêter ici
Cartographe 3 – C’est écrit sur ce document
Regarde
Habitant·e 1 – Il·elle ne sait pas lire
Cartographe 1 – C’est ici que nous devons installer notre poste de commandement
Habitant·e 2 – C’est le sceau de la famille royale
Tous·toutes – Béni soit son nom
Cartographe 3 – Le lieu est précis, il est dessiné sur la carte dont nous avons la responsabilité
Cartographe 1 – Nous avons piqué notre pavillon là où il nous a été demandé de nous arrêter
Habitant·e 2 – Ça n’est pas possible
Il y a une erreur
C’est mon champ
Cartographe 2 – Il n’y a pas d’erreur
Habitant·e 4 – Regardez le gâchis
Ils ont détruit les semis en piquant leur tente ici
Cartographe 2 – Alors le mal est fait
Cartographe 3 – N’en parlons plus
Cartographe 1 – On a détruit leur champ ?
Ils y vont fort
Habitant·e 3 – Il faut qu’on sauve ce qui peut l’être
Il faut démonter
Cartographe 3 – Démonter notre pavillon ?
Cartographe 2 – Hors de question
Habitant·e 4 – C’est peine perdue
Cartographe 3 – Nous venons de finir le travail
Cartographe 1 – On a eu un mal de chien à piquer les sardines
Cartographe 3 – Pour un champ labouré, il était dur comme du béton par endroits
Habitant·e 3 – On va démonter leur tente et on va regarder dans quel état se trouve le sol
Habitant·e 2 – Si j’ai perdu la récolte
Ou même la moitié du champ
Je suis perdu·e
Je ne pourrai pas nourrir tout le monde
Habitant·e 1 – Ça ne sert à rien de te mettre dans tous tes états
Habitant·e 3 – Il faut qu’on regarde ça ensemble
Habitant·e 4 – On va t’aider
Habitant·e 1 – Qu’est-ce qu’on fait de leur tente ?
Habitant·e 3 – On trouve un autre endroit
Cartographe 2 – Ça n’est pas comme ça que ça se passe
Habitant·e 1 – Ça va être difficile
Personne ne veut d’eux
Cartographe 2 – Ce n’est pas à vous de prendre ces décisions
Habitant·e 2 – Vous êtes chez nous
Vous marchez sur ma terre
Sur mon champ
Cartographe 3 – Vous avez un devoir d’hospitalité
Temps.
Habitant·e 1 – Et vous nourrir ?
Vous allez nous dire que c’est les ordres aussi ?
(...)
2. Rondeau.
La pluie montre le chemin
La pluie montre le chemin
Avec l’aide des châtaigniers
Les nervures noires leur font des mains
Qui toutes désignent la vallée
Avant le retour du soleil
Les arbres dressent leurs oreilles
L’eau fait une, deux, trois enjambées
Elle fait déborder les jardins
Dans le nouveau plan des vergers
La pluie montre le chemin